Fin de la neutralité du web : Qui sont les grands perdants ?

Paradoxalement, la fin de la neutralité du web ne sonne ni comme une défaite , ni comme une victoire pour la gauche radicale en quête d’émancipation. Le ver était déjà dans le fruit….

Par Martial Bouilliol.

La FCC (« Federal Communications Commission »), le régulateur des télécoms américain, a donc présenté une « proposition » visant à supprimer l’obligation faite aux fournisseurs d’accès de respecter la neutralité du Net.

Ce nouveau fait d’arme de l’administration Trumpiste ne fait que devancer ce qui concernera probablement l’Europe dans les années à venir du fait, quoi qu’on en dise, de la similitude des politiques menées par les gouvernements de part et d’autre de l’Atlantique.

Dans les années 90, quand Internet a commencé à être l’objet d’un usage courant, nous étions nombreux à y voir, émerveillés et plein d’espoir, des opportunités sans fin.

Les libertaires y voyaient la possibilité de s’exprimer librement. La droite traditionnelle y voyait un nouveau canal de communication pour que les entreprises puissent « adresser » plus rapidement et à coût réduits l’ensemble des consommateurs. Les libéraux y voyaient l’émergence d’une nouvelle forme de capitalisme qui allait prendre le relais d’un capitalisme moribond et mortifère : le capitalisme cognitif. Enfin, les néo-marxistes y voyaient un rapprochement entre la sphère productive et la sphère consommatrice dans une logique de déprolétarisation des uns et des autres et donc une piste réelle d’émancipation pour chaque individu.
Pour ces derniers, la fête a tourné court. Très vite, le marketing a noyauté la nouvelle technologie naissante. Les comportementalistes y ont trouvé le moyen de mettre leurs thèses en application. L’arrivée d’internet a même permis l’émergence de nouvelles techniques de communication comme le nudge, la programmatique, etc… Bref, au grand dam des néo-marxistes, la réticularité du web devenait le terrain privilégié pour la mise en place de techniques de persuasion et de manipulation encore plus efficaces que celles qui avaient eu cours pendant la période fordiste.

En revanche, les libéraux libertaires n’y voyaient que du feu, transportés d’allégresse avec leur nouveau jouet, des ravis de la crèche en quelque sorte, se croyant légitimés parce qu’ils s’imaginaient enfourcher la philosophie des créateurs (Timothy Leary, Douglas Engelbart, Fred Moore, Stewart Brand, Tim Bernes Lee) et des hackers justiciers….

Aujourd’hui, la nouvelle venant des Etats-Unis doit résonner bizarrement à leurs oreilles. Comme une sorte de trahison.

Le web s’affiche donc maintenant sans faux-semblant du côté du capitalisme prédateur traditionnel. Les libéraux libertaires se sont fait berner. Dans les grandes longueurs.

Pour autant, cette nouvelle ne sonne pas comme une victoire pour les néo-Marxistes et la gauche radicale. Les grands gagnants resteront les puissants. Seule consolation, ils agiront désormais à visage découvert.

 

 

 

 

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