#Propaganda ou le décryptage du Marketing de la manipulation

Une fois encore ARTE frappe fort avec une web-serie et un long métrage documentaire qui décortiquent et analysent le marketing d’aujourd’hui, mais aussi les fondements historiques de la propagande et le rôle majeur d’Édouard Bernays dans la naissance de “La Fabrique du consentement” au cour du 20ème siècle.

D’ailleurs, le long métrage rappelle énormément la conférence gesticulée de Martial Bouilliol : Une autre histoire de la publicité.

Vous trouverez la web Série ici :

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-015330/propaganda/

Et le documentaire de 55 minutes par là :

https://www.arte.tv/fr/videos/071470-000-A/propaganda-la-fabrique-du-consentement/

E.Leclerc, ou l’agitation capitaliste

La dernière publicité du groupe Leclerc vous propose de rapporter en magasin les prospectus de l’enseigne que vous recevez dans votre boite aux lettres. En contrepartie de tout prospectus ramené, l’enseigne propose de reverser 2 centimes d’euro à la fondation pour la recherche médicale…..
La première fois que j’ai pris connaissance de cette communication, je me suis dit que l’enseigne poursuivait ses actions en faveur d’un meilleur comportement écologique qui s’inscrivait dans la suite logique d’opérations du type « Nettoyons la nature » …
Et puis, bien conscient que la communication des marques n’est jamais gratuite et la plupart du temps profondément manipulatrice, je me suis mis à réfléchir à l’objectif dissimulé de cette action de green-washing. Et ceci d’autant plus qu’un grand nombres d’incohérences sont immédiatement décelables.
Il paraît en effet pour le moins indécent de demander à autrui, qui plus est quand autrui en est la victime, de réparer son propre méfait! Pourquoi l’enseigne ne prend elle pas tout simplement la décision de supprimer directement tout recours à cette forme de publicité ?
Ensuite, demander le retour des prospectus revient à en reconnaître implicitement la nuisance. Le prospectus pollue, détruit les forêts, constitue une intrusion insupportable dans la vie des individus. C’est une aberration écologique. Son seul intérêt, c’est de permettre au distributeur de gagner de l’argent et pas seulement par la vente des produits qui y sont promus mais dans la conception même de l’outil. Il faut savoir en effet que la fabrication d’un prospectus donne lieu à une participation financière des industriels sous la forme de ce que l’on appelle la « coopération commerciale ». Un racket organisé, qui permet non seulement au distributeur de financer l’intégralité du prospectus mais qui lui permet aussi de dégager une marge nette substantielle dans une non-transparence absolue.
Ce qui m’a également surpris, c’est la contrepartie caritative. Pourquoi en effet conditionner la démarche soit-disante altruiste, en faveur de la recherche pour Alzheimer, à la récupération de prospectus, ce qui, il faut bien le constater, n’a pas grand-chose à voir… Un soutien direct, franc et massif pour la recherche aurait sans doute épargné à l’enseigne les réactions comme celle que je peux avoir aujourd’hui.
Le pire étant évidemment la limitation. L’opération est conditionnée. Il faut être porteur de la carte E.Leclerc et vous ne pouvez pas rapporter plus de 3 prospectus… Pourquoi une telle pingrerie ?
En fait, c’est grâce de cette contingence que la supercherie peut être dévoilée. La recherche pour Alzheimer, il va de soit que Leclerc n’en a cure, sinon il aurait été beaucoup plus simple d’effectuer une donation directe ou de ne pas limiter le nombre de prospectus rapporté. En réalité, le but non avoué de l’opération est de faire en sorte de maximiser la prise en main des prospectus, de s’assurer que les clients potentiels en prennent connaissance, d’en optimiser la lecture. Tout en s’appuyant sur une posture tentant de nous persuader que l’enseigne rejette l’utilisation de ce média en reconnaissant son caractère anti-écologique.
Cette opération est confuse et témoigne finalement d’une grande panique.
Le capitalisme semble s’enliser dans ses contradictions, ne sachant plus quoi inventer pour prolonger son règne de quelque années supplémentaires . Gavé de publicité, lobotomisé aux mécaniques promotionnelles trop complexes des enseignes pour être honnêtes, le « consommateur » ne se rend heureusement plus compte de rien. Un consommateur qui n’a d’ailleurs plus rien d’un « consom’acteur », n’en déplaise aux conseillers et au markéteux de tous poils.
Bien au contraire, il reste persuadé que Leclerc est une sorte de zorro, assurant la défense du citoyen face au lobby industriel ou aux méchantes corporations opposée aux dérégulations, symboles d’une modernité usurpée.
Ce n’est qu’à ce prix que le capitalisme peut encore espérer sauver sa peau.
Martial Bouilliol
NB : Puisque nous parlons de prospectus, je vous invite à signer cette pétition destinée à en limiter les funestes effets : https://www.change.org/p/nicolas-hulot-interdisons-les-prospectus-publicitaires-non-sollicit%C3%A9s

Fin de la neutralité du web : Qui sont les grands perdants ?

Paradoxalement, la fin de la neutralité du web ne sonne ni comme une défaite , ni comme une victoire pour la gauche radicale en quête d’émancipation. Le ver était déjà dans le fruit….

Par Martial Bouilliol.

La FCC (« Federal Communications Commission »), le régulateur des télécoms américain, a donc présenté une « proposition » visant à supprimer l’obligation faite aux fournisseurs d’accès de respecter la neutralité du Net.

Ce nouveau fait d’arme de l’administration Trumpiste ne fait que devancer ce qui concernera probablement l’Europe dans les années à venir du fait, quoi qu’on en dise, de la similitude des politiques menées par les gouvernements de part et d’autre de l’Atlantique.

Dans les années 90, quand Internet a commencé à être l’objet d’un usage courant, nous étions nombreux à y voir, émerveillés et plein d’espoir, des opportunités sans fin.

Les libertaires y voyaient la possibilité de s’exprimer librement. La droite traditionnelle y voyait un nouveau canal de communication pour que les entreprises puissent « adresser » plus rapidement et à coût réduits l’ensemble des consommateurs. Les libéraux y voyaient l’émergence d’une nouvelle forme de capitalisme qui allait prendre le relais d’un capitalisme moribond et mortifère : le capitalisme cognitif. Enfin, les néo-marxistes y voyaient un rapprochement entre la sphère productive et la sphère consommatrice dans une logique de déprolétarisation des uns et des autres et donc une piste réelle d’émancipation pour chaque individu.
Pour ces derniers, la fête a tourné court. Très vite, le marketing a noyauté la nouvelle technologie naissante. Les comportementalistes y ont trouvé le moyen de mettre leurs thèses en application. L’arrivée d’internet a même permis l’émergence de nouvelles techniques de communication comme le nudge, la programmatique, etc… Bref, au grand dam des néo-marxistes, la réticularité du web devenait le terrain privilégié pour la mise en place de techniques de persuasion et de manipulation encore plus efficaces que celles qui avaient eu cours pendant la période fordiste.

En revanche, les libéraux libertaires n’y voyaient que du feu, transportés d’allégresse avec leur nouveau jouet, des ravis de la crèche en quelque sorte, se croyant légitimés parce qu’ils s’imaginaient enfourcher la philosophie des créateurs (Timothy Leary, Douglas Engelbart, Fred Moore, Stewart Brand, Tim Bernes Lee) et des hackers justiciers….

Aujourd’hui, la nouvelle venant des Etats-Unis doit résonner bizarrement à leurs oreilles. Comme une sorte de trahison.

Le web s’affiche donc maintenant sans faux-semblant du côté du capitalisme prédateur traditionnel. Les libéraux libertaires se sont fait berner. Dans les grandes longueurs.

Pour autant, cette nouvelle ne sonne pas comme une victoire pour les néo-Marxistes et la gauche radicale. Les grands gagnants resteront les puissants. Seule consolation, ils agiront désormais à visage découvert.

 

 

 

 

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